Le parcours citoyen

Rafle du 12 mai 1944

Publié le jeudi 12 janvier 2017 19:50 - Mis à jour le vendredi 13 janvier 2017 04:05

Résultats d'une recherche menée par Mme Guilloux et sa classe de 1ES dans le cadre d'un travail de mémoire sur la rafle du 12 mai 1944. Nous avons concentré notre travail sur les conséquences de la rafle. Pour en savoir plus sur les événements du 12 mai, les modalités de la rafle et les exactions de la division das Reich, vous pouvez consulter la brochure réalisée par l'ONAC 

 

Le traumatisme subi par la ville de Figeac le 12 mai 1944 se lit dans des rapports et requêtes adressés au préfet et  conservés aux archives départementales: lettres de parents recherchant leur enfant, liste très précise des vols commis par les Allemands dans les domiciles et commerces (voir archive jointe), rapport s'inquiétant des nombreuses arrestations pour le fonctionnement de l'hôpital, des écoles et de l'économie en général, plainte pour viol d'une Figeacoise....

     -  Un pillage de la ville: les Allemands se sont emparés de toutes les marchandises détenues par les épiceries de la ville. Loin de se contenter de confisquer les postes de radio, ils ont volé aux particuliers vêtements, provisions et bijou et argent.

     - Une ville paralysée, privée d'une grande partie de sa main-d'oeuvre: 6 menuisiers arrêtés sur les 7 que comptaient la ville; 3 électriciens sur 5;  2 boulangers, 9 coiffeurs, au moins 25 cultivateurs , une perception qui ne compte plus que son percepteur.  Le secteur le plus touché  a été l'éducation: plus de la moitié du personnel enseignant a été arrêtée.

 

Une liste de 535 personnes arrêtées ou exécutées au cours de l'année 1944

Pour établir la liste des Figeacois arrêtés et leur sort après leur arrestation, le recueil, tenu après guerre par le Comité des déportés de Figeac et aimablement prêté par le Musée de la Résistance, nous a été d'un grand intérêt. nous avons croisé les informations avec des listes trouvées aux archives départementales.

Nous avons ainsi recueilli 535 noms de personnes interpellées ou exécutées au cours de l'année 1944 par les troupes d'occupation. Parmi elles, 13 ont été arrêtées lors d'une rafle le 23 avril, 480 lors de la rafle du 12 mai. Quant au nombre de personnes décédées, il s'élève à près de 100 : 8 exécutions à Figeac ou Montauban et 91 décès en Allemagne.

Tous ces chiffres restent approximatifs : de nombreuses vérifications et consultations d'archives resteraient à faire pour que ce travail soit exhaustif. Le tableur est à la disposition de tous ceux qui souhaiterait compléter ce travail.

 

Catégorie de victimes

Nombre de personnes arrêtées

Nombre de personnes décédées

Destin imprécis

Nombre de survivants

Juifs

18

(dont 4 femmes)

10

(dont 3 femmes)

2

6

Déportés politiques

Environ 140

dont 8 femmes

76

dont 2 femmes

3

67

Travailleurs forcés

Plus de 350

 

4

 

lieu de travail précis connu pour plus de 200 d'entre eux

 

 

Les victimes juives

En étudiant des documents trouvés aux archives départementales de Cahors, en particulier des notes de renseignement de Vichy, et en menant des recherches sur les bases de données du Mémorial de la Shoah et de Yad Vashem, nous avons pu établir que 18 Juifs ont été arrêtés à Figeac au cours de l'année 1944 :

            - douze le jour de la Rafle elle-même

            - trois le 22 janvier 1944

            - trois autres lors de la rafle du 23 avril qui a également vu l'arrestation de dix autres Figeacois.

Nous avons pu mettre ce chiffre en regard du nombre de Juifs présents à Figeac. En effet, trois carnets, conservés par les archives départementales du Lot, témoignage de la politique antisémite du régime de Vichy, recensent l'ensemble des Juifs réfugiés dans le Lot ainsi que leurs métiers et leurs différentes adresses. Ce sont ainsi au moins 75 personnes qui ont trouvé refuge à un moment de la guerre à Figeac. Ces carnets donnent une image concrète du sort des Juifs fuyant les persécutions. Ont trouvé refuge à Figeac:

- des familles expulsées de Moselle  par les Nazis, cette région ayant été rattachée au Reich.

- des familles  fuyant la capitale occupée

- des familles françaises ou originaires de toute l'Europe (Lituaniens, Roumains, Hongrois, Polonais, Belges...).

- A la lecture des carnets apparaît aussi le sort inconfortable de ceux qui ont été privés de nationalité : «  ex-autrichien» ou « apatrides ».

 

Nous avons ainsi pu constater que la majorité des Juifs réfugiés dans notre région n'a pas été arrêtée. Cela tient à de nombreuses circonstances mais aussi à l'action des certains Figeacois. Trois d'entre eux ont d'ailleurs été honorés du titre de Justes.

C'est le cas du proviseur du lycée Noël Gozzi. D'après le site de Yad Vashem, il a caché 9 enfants dans son établissement, dont deux seulement ont réussi à s'échapper le jour de la rafle et deux autres lors du transfert vers Paris. Il est difficile de retrouver la trace des 5 autres, cachés sous un faux nom au lycée. L'un a disparu avec certitude. Pour les autres, ils ont sans doute été envoyés dans les usines du Reich, comme la majorité des lycéens arrêtés. C'est aussi le cas d'un jeune Juif qui avait trouvé refuge chez Alphonse Puech, un autre Juste figeacois : il a travaillé dans un camp des Sudètes et était de retour à Figeac en juin 1945. On peut supposer que l'identité juive de ces jeunes n'a pas été démasquée.

Ce n'est pas le cas d'autres Juifs arrêtés à Figeac, qui, après avoir été internés à Drancy, ont péri à Auschwitz. Deux hommes ont été déportés en camp de concentration dans le même convoi que d'autres Figeacois: un seul a survécu, l'autre a péri au camp de concentration de Neuengamme. 

Nous n'avons pas pu retracer le destin de toutes les personnes raflées. Deux d'entre eux ont sans doute été détenus à Drancy jusqu'à la libération.

Les déportés dans les camps de concentration

La déportation vers les camps de concentration est l'aspect le mieux connu de la rafle du 12 mai 1944. Ce sont plus de 140 Figeacois dont 8 femmes, qui ont connu le système concentrationnaire et 76 qui ont péri en Allemagne.

Nos connaissances reposent sur le Livre-Mémorial de la déportation et des témoignages écrits puisque tous les déportés figeacois sont aujourd'hui décédés.

Après le tri effectué à Montauban, les hommes destinés aux camps de concentration ont été déplacés, le 21 mai, à Compiègne, camp d'internement situé à moins de 100 km de Paris. De là, ils ont été déportés en plusieurs convois vers l'Allemagne:

           - La très grande majorité d'entre eux (106) en sont partis le 4 juin à destination des camps de Neuengamme (près d'Hambourg dans le nord de l'Allemagne) ou de Sachsenhausen (près de Berlin) dans un convoi qui comptait plus de 2 000 hommes.

           - Un autre convoi, parti le 18 juin, emporta 9 Figeacois vers Dachau.

       - Le convoi le plus tristement célèbre, « le train de la mort », partit le 2 juillet de Compiègne et emporta 8 Figeacois vers le même camp.

 

Séparées des hommes à Montauban, les 8 Figeacoises, ont d'abord été détenues à Toulouse, d'où elles ont ensuite été déportées vers Dachau. Leur convoi, parti le 3 juillet, comprenait près de 9% de femmes et des détenus de nombreuses nationalités. Il est arrivé à destination le 28 août. Les femmes ont ensuite été déplacées vers Ravensbrück.

Le sort des Figeacois illustre la complexité du système concentrationnaire nazi et l'existence de nombreux kommandos autour des camps principaux. Les Figeacois ont ainsi été répartis entre un grand nombre de camps, pour des corvées très diverses : déblaiement, construction d'installations, fabrication de matériel ferroviaire, d'armes, construction navale...

 

Le taux de mortalité a été très différent selon les camps:

Camp principal

Kommandos

déportés figeacois

décédés

 

Neuengamme

 

sous-camp de Sachsenhausen , sur un affluent de l'Elbe près de Hambourg (25 km au SE)

 

 

 

 

 

Camp principal

18

18

Lengerich

2

0

Sandbostel

1

0

Wöbbelin

5

3

Hamburg-Spaldingstrasse

5

5

Gardelegen

2

2

Hannover-Misburg

3

2

Hannover-Stöcken

6

4

Watenstedt

1

1

Braunschweig (Brunswick)

2

1

Porta Westfalica

1

0

Bergen-Belsen

10

10

Total

56

46

Sachsenhausen

 

 

Falkensee

8

1

 

37

6

Total

45

7

 

Dachau

Sans précision

20

6

Allach

5

0

Blaichach

3

0

Total

28

6

Ravensbrück

 

6

3

Mauthausen

Gusen

1

1

Ebensee

1

0

Amstetten

2

1

Total

4

2

Buchenwald

Weimar

6

4

Autres ou sans indications

 

 

8

 

 

 

3- Les Figeacois contraints au travail en Allemagne

Ils sont les victimes les plus nombreuses de la rafle du 12 mai et pourtant les plus méconnues des élèves: plus de 350 Figeacois arrêtés et envoyés travailler en Allemagne. Lorsque les Allemands ont demandé à tous les Figeacois de 16 à 60 ans de se présenter pour le recensement, ils cherchaient des Juifs et des résistants mais ils voulaient surtout  marquer les esprits d'une région résistante en la privant de sa force de travail, toutes catégories sociales confondues. Un document d'archive estime que Figeac a été privée de 26% de sa population masculine.

 

A partir du recueil prêté par le musée de la Résistance et des différentes listes conservées aux archives départementales, nous avons  pu mesurer l'ampleur des arrestations à travers la diversité des métiers et des âges.

 

Les Figeacois avaient été répartis dans plus de 36 lieux différents, presque tous situés dans la région des Sudètes, région de République tchèque annexée par les Nazis en 1938. La plupart vivaient dans des camps et travaillaient dans des usines d'armement mais certains, grâce à leur spécialisation, travaillaient et logeaient chez des particuliers: chez un dentiste, dans un garage, un cinéma... 

 

Serge Salvy, lycéen en 1944, arrêté le 12 mai en compagnie de son frère, nous a décrit ses conditions de vie et de travail dans une usine de Reichenberg. Il nous a expliqué les différences essentielles entre camp d'usine et camp de concentration : les travailleurs contraints étaient relativement libres de leurs mouvements, ils disposaient d'un petit salaire et de tickets de rationnement, ils pouvaient recevoir des colis de France.

Mais nous avons aussi compris à travers son témoignage combien leur sort était difficile : longues journées de travail de 12 heures, manque de nourriture (M. Salvy a perdu près de 10 kg au cours de son année de détention dans les Sudètes), menaces des camps disciplinaires, camps infestés de poux et froid mordant dans une région d'altitude.

Monsieur Salvy nous  a livré un témoignage passionnant, émaillé  d'expressions allemandes et d'une précision remarquable. Racontant avec humour les ruses des Français pour s'informer, améliorer leurs conditions de vie et limiter leur travail, il a tenu à dresser un portait tout en nuance des Allemands qui les encadraient. 

Vous pouvez lire en annexe l'intégralité de ce témoignage.

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